Installée sur un tabouret, la demoiselle était en train de poser pour une dernière photographie. Elle ne faisait pas vraiment ça par plaisir. Se montrer en sous vêtements sur les panneaux publicitaires, ce n’était pas plus son truc que ça. Mais elle avait un joli corps et puis… ça payait bien. Il lui manquait mille dollars pour finir le mois. Alors, elle n’avait pas trop le choix. Ce n’étaient pas avec ses pourboires de serveuse qu’elle allait réussir à payer la taxe d’habitation. Quant à demander de l’aide à sa grand-mère… Hors de question. Mamie perdait totalement la boule, elle était à moitié sourde et aveugle d’un œil. Linaëwen ne savait même pas si sa grand-mère avait de l’argent de côté ou pas. La demoiselle ne posait pas vraiment de questions : elle encaissait les chèques de la retraite de la vieille femme et payait les factures comme elle le pouvait. Les factures, la nourriture et surtout ses études étaient sur la liste des dépenses. C’était en pensant à cela qu’elle souriait à l’appareil photo, son regard langoureux, ses cheveux volant légèrement grâce à un ventilateur. L’autre côté du décor, hein. Et, croyez-moi : c’était réellement différent de ce qu’on imaginait. Le hangar où la demoiselle était installée était glacial, les lumières lui donnaient l’impression d’être aveugle, et le ventilateur qu’il y avait un vent gelé qui la transperçait. Alors, quand on lui dit qu’elle pouvait aller renfiler des vêtements, Linn ne se fit pas prier et elle sauta sur ses pieds chaussés de hauts talons. Elle récupéra son jean qu’elle enfila sans même retirer les chaussures et elle rajouta par-dessus son pull et sa veste, avant d’enrouler une longue écharpe autour de son cou. Elle rajouta une paire de mitaines par-dessus et s’approcha du photographe. Alors, elles sont bien ? L’homme ne lui jeta même pas un regard et son assistant attrapa une enveloppe pour la lui tendre. Dedans les trois cent dollars gagnés. C’était peu, mais c’était déjà ça. Deux autres séances de ce genre et Linn s’en sortirait ce mois-ci aussi. Malheureusement, il ne restait que quatre jours pour payer la taxe d’habitation. Et, elle était loin d’avoir l’argent. Très loin, même. Elle fourra l’enveloppe dans sa poche et quitta les lieux sans se retourner. Elle savait que le photographe l’appellerait quand il aurait besoin d’elle.

Elle attrapa le dernier train de la journée pour retourner dans son ghetto. Après vingt minutes, elle débarqua à trois rues de chez sa grand-mère – elle ne pouvait pas encore dire chez elle – et elle se dirigea rapidement vers sa demeure. En plus des trois cent dollars, elle avait récupéré une paire de chaussures qu’elle pourrait revendre et les sous-vêtements que personne ne lui avait demandé de rendre. C’était souvent comme ça. Et, on ne lui avait jamais demandé de rendre les objets jusqu’à présent. Les stylistes s’en fichaient un peu. Et puis, la tenue avait été adaptée pile poil à sa morphologie après tout. Il n’y avait personne d’autre pour la porter. Une fois dans la barraque, elle grimpa à l’étage. De la lumière sortait de sa chambre. Elle y entra et se laissa tomber sur son lit, attrapant le joint dans la main de l’étudiant. La pièce était simple : un lit deux places, un petit bureau avec un ordinateur et une étagère pleine de livres. La demoiselle s’était arrangé un dressing dans la seconde chambre, et la salle de bain contenait presque exclusivement des cosmétiques qu’elle avait choppés sur des shootings photos. Dans ce monde, on s’en sortait comme on pouvait, et clairement, Linn avait de la ressource et des yeux de braise pour faire craquer le plus dur des cœurs de pierres.

Le joint en main, elle en avala une fumée avant de se laisser rouler sur le dos et de fermer les yeux. J’en ai rêvé toute la soirée… Linn n’était clairement pas une droguée. Ça non. Mais, elle appréciait de planer de temps à autre. Vraiment. Elle soupira et leva le regard vers Archie. Tu t’es encore engueulé avec ton frère ? Elle prit une autre bouffée toxique et tendit le joint à son propriétaire avant de se relever. Les chaussures finirent dans un coin de la pièce, le pantalon sur la chaise avec le blouson et elle enfila un long t-shirt avant de revenir sur son lit, un bouquin d’archéologie entre les mains. T’as pas 700$ à m’avancer par hasard ?

Un rire monta à la poitrine de la demoiselle quand son ami lui demanda si c’était terrible. Elle leva ensuite les yeux au ciel et chercha un moyen de répondre. J’étais à moitié à poil, il faisait dix degrés, le photographe avait plus de deux fois mon âge et une gaule monumentale en me faisant prendre les poses les plus sexy possibles. Il m’a même foutu une main sur le sein pour le « réchauffer » vu que mon téton pointait. Elle fit une grimace à ce souvenir. Tout ça pour trois cent billets. Clairement, ce n’était pas assez cher payé. Vraiment pas. Elle se sentait presque sale après une séance comme ça. Elle avait envie de se blottir sous sa couette et ne plus jamais en bouger.

Juste après, elle demanda à son ami s’il s’était encore disputé avec son frangin. Il fallait avouer que c’était tout de même facile de savoir quand il s’était disputé avec son frère. Il avait cette petite ride sur le front. Les sourcils légèrement froncés. Et, il avait l’air encore plus fermé que d’habitude. Pour le savoir, il suffisait d’avoir grandi avec lui. Et, Archie… Oh, Archie elle le connaissait depuis tellement longtemps qu’elle n’avait pas réellement l’impression qu’il soit … Autre chose que son meilleur ami. Elle se mit à genoux sur le lit et attrapa la main avant de faire une grimace. Elle allait devoir nettoyer ça un peu mieux. Elle ne voulait pas que ça s’infecte. Vraiment pas. Ce serait stupide. Il ne pourrait plus taper au clavier.

Mais, avant cela, la demoiselle changea de sujet. Littéralement. Elle lui demanda s’il n’avait pas de l’argent à lui avancer. Oui, avancer. Parce que Linn refusait ce genre de cadeaux. Il était hors de question qu’elle se laisse avoir par cette spirale-là. Elle n’en serait clairement pas sortie indemne. Et, tout ce qu’elle voulait c’était passer au travers de la vie tranquillement. Sans qu’on la fasse trop chier. La réponse d’Archie lui fit lâcher un petit rire amusé et elle haussa un sourcil tout en plongeant son regard dans le sien. Pour ce prix-là, on restera au lit toute la semaine, au moins… Y’a des vacances bientôt non ? Est-ce que c’était un rendez-vous ? Pourquoi pas. Ce n’était pas comme s’ils n’avaient jamais couché ensemble, ces deux-là. En fait, c’était déjà arrivé plusieurs fois. Généralement avec un peu trop d’alcool dans le sang. Vraiment trop en fait. Mais, cela ne voulait pas dire que la demoiselle n’avait pas apprécié ces moments. Imagine ça. Une semaine, juste toi, moi et des sandwiches pour reprendre notre souffle.

Mais, pour le coup Archie avait ce qu’il lui fallait. Elle allait pouvoir souffler un peu. Avoir un délais. Mais, elle rembourserait son ami. Hors de question de piocher dans ses économies. Vraiment. La demoiselle ferma les yeux. Se leva. Et alla se changer. Elle s’en fichait qu’Archie la voie en sous-vêtements, ou même sans soutif. Elle le retira au passage et elle le laissa tomber dans un coin de la pièce. Elle soupira et enfila un long t-shirt avant de se coucher dans son lit au moment où Archie se mettait à faire les cent pas. Elle ouvrit le capot de l’ordinateur pour lire ce qu’il était en train de faire et fronça les sourcils. C’était pourtant simpliste. Elle leva les yeux vers lui et eut un sourire amusé en le regardant gigoter dans tous les sens. Parce que ton frère est un crétin jaloux en pleine crise d’adolescence qui a besoin de plus d’attention. Attention que personne ne lui donnera parce qu’il est bête comme ses pieds ? Autant le dire clairement, la demoiselle n’aimait pas du tout le frère d’Archie. Vraiment pas. Pour changer de sujet et essayer de calmer son ami, Linn se releva et alla dans la salle de bain pour récupérer du désinfectant et un bandage. Allez, viens par là que je joue les infirmières. La demoiselle attrapa la main de son ami et défit le bandage. Tu t’es vraiment pas loupé… Vise ton frère la prochaine fois. Un coup dans le nez ça lui mettra peut être du plomb dans la tête.

Hors de question. Elle en avait besoin de ce job. Ce n’était pas reluisant, le photographe était un vrai con, mais pour le coup ça payait bien. Suffisamment pour qu’elle puisse payer les impôts et qu’elle n’ait pas à s’acheter de vêtements. Elle gardait tout, après tout. C’est gentil, Archie mais je vais m’en sortir. C’est pas comme si j’avais le choix de toute façon. Elle aurait pu être autre chose, si elle l’avait voulu. Mais, quelque part, elle ne le voulait pas. Elle voulait juste vivre sa vie sans que personne ne la fasse chier.

C’était bien pour ça qu’elle tentait de joindre les deux bouts comme elle le pouvait. Parfois elle empruntait de l’argent à Archie. Parfois c’était le contraire. Et, pour le coup, ils en plaisantaient. Comme en ce moment. Comme quand elle lui proposait de s’envoyer en l’air toute une semaine avec des sandwiches. Je te ferais tes préférés. La demoiselle sourit. Quelque part, cette idée était tentante. Vraiment tentante. Elle avait bien envie de le faire, quelque part. Mais, ce ne serait pas sérieux. Elle avait son boulot. Elle avait ses cours. Elle avait tout ça. Toute une vie à côté. Elle ne pouvait pas réellement prendre une semaine juste pour se détendre et se vider la tête. Tout en vidant une autre partie de l’anatomie de quelqu’un. Oui, ça aurait été bien. Mais pour lui comme elle, c’était un rêve débile. Un vrai petit rêve étrange et qui n’aurait jamais de fin. Les miennes aussi. La demoiselle lâcha un petit rire. Mais, si je te rembourse, alors, pas de marathon de sexe. Dommage . Certainement.

Et puis, vint le sujet du petit frère d’Archie. La demoiselle ne l’appréciait pas. Pas du tout. Mais, Archie lui trouvait toujours des excuses. Certes, il n’était pas stupide. Linn aimait à le dire. Parce qu’elle trouvait qu’il gâchait tout ce qu’il touchait. Ce gamin était… Juste un gamin. Un enfant qui refusait de grandir et de s’ouvrir au monde. Un enfant qui enchaînait les conneries. Et qui, un jour, allait trouver plus fort que lui et se casser les dents. Vraiment. Si tu ne le frappe pas, celui qui le fera va certainement être moins doux que toi. Enfin. Va lui péter la gueule tellement fort qu’il risque de ne pas s’en relever. La demoiselle soupira avant de commencer à nettoyer la plaie. Ce n’était pas beau à voir. Elle dû couper des fils de peau qui pendouillaient avant de réellement commencer à nettoyer. Oui, c’est si moche que ça. Le mur a encore gagné. Tu vas t’abîmer les doigts à force. Tu pourras plus taper au clavier. Mais, voilà qu’Archie contrattaquait avec son frère et le crâne dur. Utilise une batte de baseball ? Elle releva les yeux de la main sanglante et fronça les sourcils. Ou alors, si tu veux, je le fais moi. Sourire enjôleur. Et puis elle baissa les yeux vers la main et attrapa le désinfectant. Elle nettoya la plaie avec un coton puis fit un bandage correct en quelques secondes. Après tout, elle avait l’habitude. Elle faisait ça souvent, avec Archie. Coupable, répondit-elle au sujet de l’algorithme. Elle se releva, maintenant que la main était correctement bandée et alla s’allonger sur le lit, remontant la couverture jusqu’à son ventre. Elle avait toujours froid. Sa température n’était pas remontée malgré le changement d’endroit. Parce que je n’ai pas envie qu’on me dise ce que je dois faire. Je préfère apprendre à coder par moi-même qu’à modifier la même chose que tout le monde. Elle soupira et secoua lentement la tête de droite à gauche. Et puis, si je veux créer un J.A.R.V.I.S. à moi un jour, c’est pas en faisant et refaisant la même chose que tout le monde que je vais y arriver. Un sourire taquin sur les lèvres, la demoiselle attrapa le PC de son ami pour l’ouvrir sur ses genoux. Pas très bon pour le ventilateur, mais bon… L’archéologie c’est cool. Coucher avec le prof me permet d’avoir de bonnes notes sans bosser, et de passer outre les super stages dans les musées à passer un pinceau sur des trucs vieux de trois mille ans pour faire des extra-shifts au café. Que demander de plus ?

Tu code déjà avec les pieds, boulet. Elle, en train de lui dire qu’il était nul ? Peut être. Totalement, même. Parce qu’il n’est pas possible d’être ami avec la demoiselle sans se faire charrier. Ce n’était jamais méchant. Jamais totalement idiot. Linn n’avait que peu d’ami, elle y tenait très fort. Malgré tout… South Side en force. Il y avait des choses qui ne changeraient pas. Des choses que cette éducation dans les bas quartiers qui resteraient pour toujours. La demoiselle le savait. Et, elle s’en fichait. Alors qu’Archie lui disait qu’il adorerait la voir manier la batte, elle mima de taper dans une balle avec un air pseudo féroce sur les traits. Un sourire monta sur ses lèvres et elle s’occupa ensuite de la main d’Archie sans continuer sur le sujet « Nick ». Après tout, Archie ne fera jamais rien contre son frangin. Et, la demoiselle savait bien qu’elle se retrouverait dans le caniveau et en sang si elle essayait. Ce n’était pas une guerrière, ça non.

Linn adorait Archie. Elle savait qu’il rentrerait dans son jeu, lorsqu’elle le taquinait. Sa remarque sur les codeurs, il la prit un peu pour lui, en riant néanmoins. Elle leva ses grands yeux bleus vers lui et pencha légèrement la tête sur le côté. Evidemment. Si tu étais différent, tu aurais choisi une autre voie. La demoiselle ne mâchait jamais ses mots. Parce que, comme ça, tu aurais accès au labo informatique comme moi, et tu pourrais faire ce que bon te semble au lieu d’avoir des exercices bidons. Sérieusement, j’étais capable de résoudre ça en 3°. « ça », c’était l’algorithme sur lequel Archie travaillait en ce moment. Linn ne comprenait pas pourquoi il s’ennuyait à apprendre ce qu’il savait déjà.

Elle lâcha un petit rire amusé à la mention de l’atout charme qu’elle avait. Elle prit une pose lascive dans le lit et tapota la couette devant elle en haussant un sourcil. C’est sûr que tu ne peux pas faire ça avec Perkins… Quoique. S’il aime se faire prendre par derrière… Tu peux tenter. Par contre, pense à la vaseline si c’est toi qui doit la prendre. ‘Parait que ça fait un mal de chien. Archie avait néanmoins raison sur Internet. Linn avait appris des tas de choses grâce à Interne. Elle soupira tristement à cette pensée. Elle aurait pu être ce qu’elle voulait. Et, elle n’était pas sûre d’aimer sa vie. Vraiment pas. Oh, ça veut dire que je vais payer ma taxe d’habitation avec de l’argent de la drogue ? Ouuuh, c’est mal. Ils sont pas numérotés tes billets au moins ? elle sourit, amusée. Tu devrais essayer de leur vendre de la farine. Et bien cher en plus.

Elle hésita à la mention de s’allier avec Archie pour créer un J.A.R.V.I.S. Elle fit la moue et haussa les épaules, après quelques longues secondes. J’ai appelé mon interface Slave pour le moment. J’avais pas envie d’avoir des soucis avec Marvel. Ils auraient pu me demander des droits d’auteurs.